Neuromarketing et objets média : est-ce vraiment vous qui décidez ?

Une tribune de Maxime Goldschmidt et Christophe Kleinberg, associés chez Neuromedia Pro.

Le neuromarketing s’est imposé comme un levier puissant pour comprendre et influencer le comportement des consommateurs. Allons explorer ses origines, ses mécanismes psychologiques, ses enjeux éthiques et son application concrète aux objets média.

COMMENT LE « PEPSI CHALLENGE » A TUÉ LE MARKETING 

Le marketing, ce sont des études de marché, des sondages et des analyses comportementales pour ajuster les stratégies commerciales. Et pourtant, 80 % des nouveaux produits lancés sur le marché ne trouvent pas leur clientèle… Ces méthodes ont donc montré leurs limites, notamment en ce qui concerne la compréhension profonde des motivations des consommateurs. Au début des années 2000, avec l’essor des neurosciences et de l’imagerie cérébrale, le neuromarketing a vu le jour.

L’idée de base est simple : comprendre ce qui se passe dans le cerveau humain face à des marques, des produits ou des publicités. Des outils modernes comme l’IRM fonctionnelle, l’EEG (électroencéphalogramme) et l’eye tracking (suivi du regard), permettent aux chercheurs et aux marketeurs d’observer l’activité cérébrale en temps réel et d’analyser les réponses émotionnelles et cognitives des consommateurs.

L’expérience la plus emblématique du neuromarketing a lieu en 2004 et revisite le « Pepsi Challenge ». Menée par le neuroscientifique Read Montague, elle va révolutionner le domaine. À l’origine, le « Pepsi Challenge » consistait à demander aux consommateurs de choisir entre Pepsi et Coca-Cola dans un test à l’aveugle, souvent au profit de Pepsi. Mais alors pourquoi le Coca-Cola était leader du marché si le Pepsi était meilleur ? La réponse était-elle dans le cerveau des « cobayes » ?

En utilisant l’IRM fonctionnelle, Montague a observé les cerveaux des participants lorsqu’ils consommaient les deux sodas. Quand ils ne savaient pas ce qu’ils buvaient, Pepsi gagnait souvent. Mais dès que l’étiquette Coca-Cola était visible, leur cerveau s’activait différemment, en particulier dans les zones liées aux émotions et aux souvenirs… et ils préféraient Coca. Conclusion ? Nos choix ne sont pas toujours rationnels : l’image de marque et les souvenirs associés influencent largement nos décisions d’achat.

NOS CERVEAUX SOUS INFLUENCE 

Nos décisions d’achat sont influencées par des biais cognitifs qui peuvent être exploités par les marques. Ces biais sont des mécanismes de la pensée qui entrainent une déviation du jugement.

Par exemple, le biais d’ancrage fait que les consommateurs sont influencés par la première information qu’ils reçoivent. Si un produit est « à -50 % », le prix initial élevé sert d’ancrage et incite à l’achat, même si le produit n’était pas nécessaire. Ça doit vous rappeler des souvenirs, non ?

L’effet de halo, lui, fait que si nous avons une opinion positive d’une marque ou d’une personne, nous avons tendance à transférer cette opinion positive à d’autres produits de la même marque ou aux produits vantés par une célébrité. N’est-ce pas George, « What else » ? À ce jour, 250 biais ont été recensés.

Les émotions jouent également un rôle clé dans nos décisions d’achat. Des études montrent que les décisions prises sous l’influence de la joie, de l’excitation ou de la nostalgie sont beaucoup plus marquées que celles basées sur une analyse purement rationnelle.

La mémoire est également un facteur déterminant : les marques qui réussissent à déclencher des souvenirs positifs chez les consommateurs renforcent leur fidélité.

Ainsi, certaines publicités font appel à la nostalgie pour associer une marque à des souvenirs heureux de l’enfance ou de moments passés. Le but ? Créer des liens émotionnels puissants entre le consommateur et la marque, ce qui peut augmenter la probabilité de futurs achats. Sacrée Mamie Nova…

Mais ce n’est pas tout. Avez-vous déjà entendu parler de « storytelling » ou de  « gamification » ? Le storytelling consiste à raconter une belle histoire autour d’un produit ou d’une marque afin de susciter une connexion émotionnelle avec le consommateur. Coca-Cola ou Nike utilisent régulièrement le storytelling pour créer des récits qui inspirent et motivent leurs publics cibles.

La gamification, quant à elle, utilise le jeu (récompenses, challenges, progression) pour motiver les consommateurs. Par exemple, les applications de fidélité incitent les utilisateurs à participer activement en échange d’une récompense, exploitant le puissant système de récompense du cerveau. Oui, nous sommes tous accros à la dopamine.

NEUROMARKETING : GÉNIE DU MARKETING OU MANIPULATEUR ?

L’idée de pouvoir lire et influencer les décisions d’achat en scrutant le cerveau, ça fait rêver les marques… et trembler les consommateurs. Jusqu’où peut-on aller sans franchir la ligne rouge de la manipulation ? Certains dénoncent un détournement des back doors des  cerveaux des consommateurs pour les pousser à l’achat sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Cette approche suscite évidemment des inquiétudes. L’idée que des entreprises puissent influencer à un niveau subconscient pose des questions éthiques majeures. Serait-ce une forme de manipulation abusive, exploitant des failles cognitives pour maximiser les ventes ? Pas étonnant que les géants du marché restent évasifs sur l’utilisation du neuromarketing. Pourtant, certains pays ont pris une longueur d’avance : États-Unis, Russie, Espagne et Turquie sont en pointe. Et en France ? Eh bien, on a préféré légiférer…

Le défi réside donc dans la capacité à créer un équilibre entre efficacité marketing et respect des droits individuels des consommateurs.

DES OBJETS MÉDIA INOUBLIABLES 

Le neuromarketing n’est pas réservé aux grandes entreprises disposant de gros budgets marketing. Même les petites et moyennes entreprises peuvent tirer parti de techniques simples mais puissantes pour rendre leurs objets média irrésistibles et mémorables. Un des leviers les plus efficaces reste l’usage des biais cognitifs, qui influencent discrètement les choix des consommateurs, mais il ne faut pas négliger les aspects sensoriels qui jouent également un rôle clé dans l’expérience client.

Les cinq sens peuvent, en effet, être des alliés redoutables pour renforcer l’attachement des consommateurs à un produit. Par exemple, un packaging original suscite une connexion émotionnelle plus forte qu’un simple emballage. Un parfum spécifique lié à une marque ancre l’image de celle-ci dans l’esprit du consommateur plus efficacement qu’un produit sans signature olfactive. De même, un petit détail sensoriel, comme un « clic » satisfaisant à l’ouverture d’une boîte ou le bruit d’une fermeture éclair, renforce la perception de qualité et la satisfaction d’utilisation.

Mais ce n’est pas tout. Les couleurs jouent également un rôle majeur dans la perception d’un produit. Le rouge, c’est l’urgence, il incite à l’action et est souvent utilisé pour les soldes ou les offres spéciales. Le bleu inspire confiance et sérénité, ce qui explique pourquoi de nombreuses banques et réseaux sociaux l’adoptent pour rassurer leurs clients. Le vert évoque des valeurs liées à la nature, au bien-être et à la durabilité, se montrant idéal pour les produits bio ou écologiques.

Les objets média ne sont plus de simples goodies ; ils doivent être pensés comme de véritables ambassadeurs de marque. L’important est de créer une expérience sensorielle qui marquera durablement l’utilisateur. Un objet qui active plusieurs sens a bien plus de chances de rester dans la mémoire de son utilisateur qu’un simple objet standardisé.


Finalement, pas besoin d’un IRM pour comprendre que l’alliance entre neurosciences et marketing intelligent transforme un simple support en un puissant levier d’influence. La psychologie comportementale offre des résultats concrets, accessibles et immédiatement actionnables. La clé ? Un savant dosage d’impact et d’éthique pour captiver, sans jamais manipuler. Alors, prêts à passer à la vitesse supérieure et à propulser votre business vers de nouveaux horizons ?

Article écrit par :
Bertrand GENEVI

Rédacteur en chef C!mag