Pourquoi les Pays-Bas dominent l’objet média ?

PF Concept, XD Connects, midocean, Giving, Clipper Interall, Toppoint, fleqs, Bottle Promotions… La liste des entreprises néerlandaises actives dans l’objet média est impressionnante, voire sans fin, d’autant plus qu’elle compte beaucoup de grands noms de l’industrie. Mais comment expliquer l’insolente réussite et la position quasi hégémonique en Europe d’un pays de seulement 18 millions d’habitants ? Éléments de réponse.

Comme une certaine disproportion ? Les Pays-Bas jouent un rôle économique que l’on pourrait juger, de prime abord, comme démesuré par rapport à la taille de leur population – à peine plus de 18 millions d’habitants – ou à leur superficie – 42 508 km², soit 15 fois moins grande que celle de la France. Car le pays dirigé par le roi Willem-Alexander excelle dans les affaires. Le PIB nominal des Pays-Bas s’élevait à 1 227 milliards de dollars en 2024, soit le 19e rang mondial. Une position enviable à mettre en rapport avec une population qui n’est que la 70e dans le monde… Cette impressionnante réussite économique globale trouve aussi une illustration au sein de l’industrie promotionnelle européenne, où les entreprises basées aux Pays-Bas dominent assez nettement le marché continental. Mais comment expliquer cette position quasi hégémonique ?

Longue tradition commerçante

Un premier élément remonte à plusieurs siècles. Les Pays-Bas possèdent une culture profondément tournée vers le commerce et les échanges internationaux. Pour preuve, la VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie ou « Compagnie néerlandaise des Indes orientales » en français), montée comme une réponse aux flottes portugaise, espagnole et anglaise, constitue une sorte de première multinationale moderne dès le XVIIᵉ siècle. En un peu moins de 200 ans d’existence, l’entreprise arme environ 5 000 navires marchands. Si les Pays-Bas n’ont pas inventé l’économie de marché ou le capitalisme, ils les ont très tôt portés à un niveau supérieur, plus global et politique. « C’est un pays de traders historiquement et notre métier est un métier de traders, donc il existe un lien évident qui facilite encore aujourd’hui leur réussite », avance Julien Azoulay, country manager France de XD Connects.

L’ouverture sur l’international semble aussi décisive. Fait notable, 90 % des Néerlandais parlent couramment anglais, et souvent allemand ou français. Cela évacue de fait les barrières linguistiques et facilite les échanges planétaires. Carole Marrec, responsable commerciale chez PF Concept et riche d’une longue expérience au sein d’entreprises néerlandaises, confirme ce goût et ce talent pour le commerce extérieur : « Les Pays-Bas ont une profonde appétence pour l’international, bien plus que les Français par exemple. En termes d’organisation, ils sont structurés pour travailler avec plusieurs pays et cela fonctionne très bien. »

Une culture d’ouverture économique qui peut s’expliquer par la taille limitée du pays, et donc par son besoin de s’ouvrir vers l’étranger pour se développer, mais pas seulement. Il s’agit d’un état d’esprit bien local, qui infuse au sein de toutes les organisations. « Les Néerlandais sont très ouverts de manière générale et ils cherchent toujours à développer leurs affaires. Lorsqu’une entreprise néerlandaise réussit aux Pays-Bas, elle se demande rapidement si elle ne pourrait pas aussi réussir en Belgique, en France, ou en Allemagne. C’est quelque chose qui fait partie de notre nature. Il y a très longtemps, les Néerlandais partaient en mer pour développer leur commerce. Je crois que nous avons le sens des affaires dans le sang ! », explique Sven Otten, responsable marketing de fleqs.

Efficacité, pragmatisme et communication directe

Ce qui ne veut pas dire pour autant que les Néerlandais ne misent que sur leur talent. La culture du travail demeure très ancrée, avec une emphase sur la coopération et l’adaptation, afin de saisir les opportunités sur le marché. « Je pense que nous sommes très débrouillards, analyse Berdine Heilig-de Boer, manager de Bottle Promotions. Dès que nous sentons un peu de vent contraire, nous commençons à bouger, à réfléchir différemment et à faire preuve de créativité. » Par ailleurs, les valeurs égalitaires dominent et la hiérarchie est presque effacée dans les entreprises néerlandaises. Tous les employés sont impliqués dans la prise de décision, quel que soit leur poste. La relation entre salarié et supérieur reste informelle, et il est important que tout le monde soit inclus et consulté tout au long du processus, afin de générer de nouvelles idées.

La planification du travail semble aussi jouer un grand rôle dans la réussite des Pays-Bas. Les réunions sont rigoureusement planifiées et la ponctualité est très importante. L’ordre du jour des réunions est structuré et généralement respecté de manière stricte. L’efficacité reste le mot d’ordre. « Si une réunion est montée, c’est toujours pour une bonne raison, résume Carole Marrec. Il y a un vrai sujet, un objectif et on fait un point en fin de réunion pour savoir si nous l’avons atteint. On parle d’actions à mettre en place pour apporter des solutions rapides. Et une réunion d’une heure dure une heure, pas une minute de plus. » Cela n’empêche toutefois pas de la flexibilité. « Les nombreux processus nous donnent un cadre précis. En revanche, si on démontre avec des faits concrets et des preuves qu’une proposition inédite est bonne, la direction suivra. »

Façonnée par l’éthique de travail protestante, la culture du pays et des affaires est proche des habitudes scandinaves, impliquant notamment une communication plus directe que dans les pays latins. En règle générale, les Néerlandais ont tendance à dire exactement ce qu’ils pensent et ne craignent pas d’exprimer ouvertement leur désaccord, évitant de parler de façon ambiguë par diplomatie. « On doit aller droit au but dans nos échanges. Les emails envoyés au sein de PF Concept ressemblent souvent à une liste de points ou de tâches à accomplir. L’efficacité prime avant tout », confirme Carole Marrec. « C’est vrai, nous sommes assez directs, parfois un peu bruts, mais nous disons ce que nous pensons avec honnêteté… Peut-être que c’est aussi ce qui explique notre efficacité ? », glisse Sven Otten.

Force logistique sans égal

Les Pays-Bas jouissent aussi d’un atout naturel : leur position géographique au cœur de l’Europe de l’Ouest. De grands marchés économiques sont situés à proximité immédiate. Allemagne, France, Belgique, ou encore Royaume-Uni : tous ces pays sont accessibles rapidement par la route, le rail, ou la navigation fluviale. Cette position privilégiée se voit renforcée par une force logistique sans égal en Europe, nourrie par un investissement massif des Pays-Bas dans leurs infrastructures. « Quand nous sommes en concurrence avec des entreprises polonaises et que nous devons livrer en France ou au Royaume-Uni, il est clair que nous possédons un avantage logistique », explique Sven Otten de manière pragmatique.

Il faut reconnaître que Rotterdam est la porte d’entrée européenne des marchandises venant du monde entier. Situé sur la mer du Nord, avec accès direct à l’Atlantique, la ville de Hollande-Méridionale héberge le plus grand port d’Europe, qui figure aussi parmi les dix plus imposants dans le monde. 12 500 hectares sur 40 kilomètres de long : l’envergure de cette plaque tournante ultra-moderne donne le tournis… Rotterdam traite environ 440 millions de tonnes de marchandises par an grâce à une automatisation poussée (grues autonomes, véhicules guidés, etc.). Le port développe par ailleurs son usage de la blockchain pour la traçabilité des produits et s’engage pour une supply chain durable (système de capture de CO₂, hubs électriques, hydrogène pour le transport, etc.). Quant à l’aéroport de Schiphol, à Amsterdam, c’est un hub aérien majeur, le troisième d’Europe, en particulier pour les cargos. Résultat, on dit souvent que si un produit arrive en Europe, il passe presque toujours par Rotterdam ou Schiphol avant d’atteindre sa destination finale.

Il ne faut pas non plus occulter que l’écosystème fiscal et juridique local est des plus attractif. Le pays attire de nombreux sièges européens de multinationales grâce à ses règles favorables aux holdings et à la gestion des flux financiers. Le pays propose diverses exonérations de taxes et mesures d’incitation et offre une discrétion à toute épreuve sur les transactions et dépôts – sans toutefois être considéré comme un paradis fiscal. Les Pays-Bas sont par ailleurs connus pour leur stabilité réglementaire et leur sécurité juridique. Une myriade d’éléments qui créent un terreau des plus favorable pour le business. Pour citer Berdine Heilig-de Boer, « il faut que tout soit clair, rapide et accessible : c’est ainsi qu’on fait du business à la néerlandaise, dans l’objet média comme ailleurs. » CQFD.

Article écrit par :
Bertrand CLERMONT-GENEVI

Rédacteur en chef C!mag