Organisé par l’association professionnelle FESPA France, le congrès annuel de la sérigraphie s’est tenu le 25 juin dernier à Marseille, réunissant les professionnels du marquage textile, graphique et industriel. L’occasion de revenir sur le lancement du Concours MOF 2025 (Un des Meilleurs Ouvriers de France), qui intègre une classe Sérigraphie.
Le prestigieux concours « Un des Meilleurs Ouvriers de France » (MOF) a officiellement ouvert ses inscriptions pour l’édition 2025 dans la classe Sérigraphie. Elle s’annonce, encore une fois, comme un vivier de talents à découvrir et à valoriser. Le concours mettra en lumière l’excellence technique, la créativité et la rigueur d’un métier à la croisée des arts graphiques, textiles et de l’industrie.
À la tête du jury national, nous avons l’honneur de compter Guy Tinsel, maître sérigraphe reconnu pour son expertise et son parcours international.
Entretien avec Guy Tinsel
Autodidacte, passionné et infatigable pédagogue, Guy Tinsel a formé des professionnels dans plus de 27 pays. Il exerce aujourd’hui comme consultant indépendant au service de la filière sérigraphique en Europe et au Maghreb.
Quels sont, selon vous, les enjeux majeurs pour la sérigraphie aujourd’hui ?
La sérigraphie est aujourd’hui au cœur de secteurs de pointe comme le photovoltaïque, le médical ou encore le luxe, où elle joue un rôle souvent méconnu. Derrière un flacon de parfum, une cellule solaire ou une étiquette adhésive, il y a bien souvent un travail sérigraphique d’une extrême précision. Et pourtant, ce savoir-faire reste largement invisible aux yeux du grand public – et même parfois des professionnels.
Ce qui me motive encore aujourd’hui, c’est l’immensité des possibles. Ce métier, autrefois cantonné à l’affiche ou au tee-shirt, a connu une évolution spectaculaire. Mais cette évolution ne sera durable que si l’on transmet correctement les connaissances. Or, il existe très peu de formations structurées et complètes. Beaucoup de jeunes découvrent la sérigraphie « sur le tas », sans bagage théorique ni accès aux technologies les plus récentes.
C’est un vrai cheval de bataille pour moi : œuvrer à replacer la formation au cœur du développement de la profession. Avec des structures comme l’école FABEON, qui intègre désormais la sérigraphie dans ses cursus autour de la création 3D, ou la HEAR (Haute école des arts du Rhin), nous essayons de créer des passerelles et de donner aux nouvelles générations les moyens de maîtriser les outils actuels, comme le CTS (Computer to Screen). La sérigraphie ne se limite plus au geste manuel à la raclette : elle permet une finesse supérieure au numérique, avec une rapidité et un coût souvent plus compétitifs.
Notre défi est donc double : faire connaître cette richesse au plus grand nombre, et offrir aux jeunes des clés solides pour s’y former.
Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui veulent se lancer dans ce métier ?
Allez frapper aux portes des ateliers, des entreprises, des imprimeurs. La curiosité est votre meilleure alliée. Impliquez-vous dans des salons comme ceux de la FESPA, échangez avec les professionnels, découvrez la diversité des applications. Avec le lycée Gutenberg à Strasbourg ou encore l’École spécialisée Grafipolis, des liens ont été tissés avec les industriels. Ces passerelles qui sont également développées par des établissements comme la SEPR à Lyon sont essentielles pour permettre aux jeunes de voir, de toucher, de comprendre. Il y a encore trop peu de connaissance sur des étapes fondamentales comme la fabrication d’un écran, l’exposition, l’insolation… Il faut des outils adaptés, des espaces de test. La sérigraphie a 1 000 ans, mais elle est plus moderne que jamais.
Comment avez-vous accueilli la proposition de présidence pour la classe Sérigraphie des MOF ?
C’est un honneur de porter ce concours d’excellence. C’est une reconnaissance de tout un parcours, et un levier formidable pour encourager la formation et la transmission. Mon objectif est de valoriser la diversité des savoir-faire et d’encourager la nouvelle génération à s’engager avec exigence et passion dans cette discipline à la fois technique et artistique. Si cette présidence peut aider à mieux faire connaître la profession et à motiver les jeunes talents, alors elle prend tout son sens.
Quel message adressez-vous aux candidats ?
Soyez fiers de vos compétences. La précision, la constance et la créativité sont les piliers de notre métier. Le concours MOF est une aventure humaine autant qu’un défi professionnel. Il offre une occasion rare de se dépasser, de progresser, et surtout de faire rayonner un savoir-faire qui traverse les époques.
Qu’attendez-vous des épreuves techniques dans la classe Sérigraphie ?
J’attends des candidats qu’ils démontrent une compréhension complète et approfondie du processus sérigraphique. Bien sûr, la qualité du rendu final – qu’il s’agisse de la précision des couleurs, du choix des encres ou de l’adaptation au support – est essentielle. Mais ce qui compte tout autant, c’est la maîtrise de l’ensemble de la chaîne de production. Et cela commence par une étape cruciale : la préparation de l’écran.
Ce que je souhaite, c’est que chaque candidat puisse mettre en valeur à la fois sa technicité, sa rigueur et sa sensibilité graphique. Le concours doit refléter l’exigence du métier, mais aussi sa richesse créative. J’espère que ces épreuves seront aussi l’occasion de mieux faire connaître la diversité des champs d’application de la sérigraphie – qu’elle soit textile, artistique ou industrielle. Ce sont ces multiples visages qui font la singularité et la force de notre discipline.